Jeudi soir, une équipe de la chaîne de télévision américaine ABC passe les nombreux barrages de sécurité menant au palais présidentiel d’Hosni Moubarak, situé dans le quartier d’Héliopolis, en banlieue du Caire.
La journaliste phare de la chaîne , Christiane Amanpour, a obtenu quelques minutes auparavant une interview exclusive avec le vice-président Souleimane. Elle ne se doute pas encore que c’est Moubarak lui-même qu’elle va rencontrer.
« Une journée des plus extraordinaires », raconte Christiane Amanpour depuis sa chambre d’hôtel, où elle est désormais cloîtrée, comme nombre de ses confrères du monde entier.Personae non gratae
Les journalistes ne sont plus les bienvenus depuis que les pro-Moubarak ont fait une apparition violente mercredi dans les manifestations, au 9e jour du soulèvement.
Des images volées montrent que des Canadiens de CTV, une équipe de BFMTV et bien d’autres encore se sont fait confisquer leur matériel dans leur hôtel « pour leur sécurité ».
Le matin même, Christiane Amanpour faisait un reportage sur la place Tahrir, la place de la libération, devenue l’épicentre du soulèvement. Elle et son équipe avaient d’ailleurs rapidement été priées de quitter les lieux par des pro-Moubarak. Leur voiture s’était ensuite fait attaquer par des manifestants.
Encore un barrage , encore des parlementations, et le palais est apparu, entouré de tanks.
Le coup de bluff
Voulant forcer le destin , Christiane Amanpour tente le tout pour le tout et demande, une fois entrée dans le palais présidentiel, si elle peut parler à Hosni Moubarak lui-même. On la fait alors passer dans une autre pièce, où se trouve le raïs.
Habituée des terrains de crises internationales, la reporter avait déjà interviewé le président égyptien dans le passé, mais jamais dans une telle situation de tension. De cet entretien, seule une photo est parue.
Une atmosphère de fin de règne
Elle relate depuis les conditions de son interview inattendue (http://abcnews.go.com/Nightline/video/hosni-mubarak-exclusive-12837923). La journaliste décrit ce qu’elle qualifie d’atmosphère de « fin de régime » (en Français dans le texte).
« Je mourrai sur le sol égyptien », lui a confié le raïs. « Après plus de trente ans au pouvoir, je suis fatigué, je veux partir, mais si je pars maintenant, ce sera le chaos. »
Evoquant la position diplomatique des Etats-Unis, qui lâche peu à peu son vieil allié dans la région, Moubarak affirme qu’Obama ne lui a pas demandé de démissionner. Il ne se prive pas d’égratigner un peu le président américain, qui « ne comprend pas la culture égyptienne ».