jeudi 6 novembre 2008

Nuit d’élection à BFMTV


Au départ, je ne devais pas travailler. Mais je n’imaginais pas quitter les bureaux d’une chaîne d’infos en continu à 22h un soir d’élection américaine. Et puis, au détour d’un changement de planning, la bonne nouvelle est arrivée : « C’est toi qui fais la nuit des élections ! »
En arrivant à minuit, la rédaction de BFMTV était déjà beaucoup plus peuplée que d’habitude. D’ordinaire, en matinale, l’équipe est réduite à une petite dizaine de personnes, contre une quarantaine en journée.
Plus de monde, donc, et plus d’effervescence, surtout. Depuis la veille, les chefs info distribuaient les sujets. En cas de victoire de John McCain, sa biographie était bien entendu prête elle aussi. Mais elle restera dans les cartons.
« On a fait deux types de sujets comme ça, au moment précis du résultat, on a les deux cas de figure de prévus », note Michaël, chef d’édition d’une partie de la nuit électorale.
Jingle et habillage aux couleurs « US », la chaîne d’info avait mis les moyens et diffusait pour une fois toute la nuit sans interruption. Direct 8 et France 5 qui préparaient un reportage sur la nuit électorale dans les médias français ne s’y sont pas trompés : ils ont posé leurs caméras chez BFMTV. (vous pouvez voir le résultat en cliquant ici)
A 4h45, tout a commencé à s’accélérer. Auparavant, les discussions allaient bon train sur une prouesse technique de CNN, qui avait fait apparaître une correspondante en hologramme sur son plateau d’Atlanta.
Et puis, les choses sérieuses ont commencé. Un à un, les résultats des « swing states » - Pennsylvanie, Ohio, Floride – étaient divulgués. Vers 4h55, AP annonçait 247 grands électeurs en faveur du candidat démocrate. Puis, on apprenait que la Floride venait de tomber dans l’escarcelle de Barack Obama. Quelques secondes plus tard, CNN affichait en gros caractères : « Obama elected president ».
Certains journalistes de la rédaction décidèrent d’immortaliser cet instant. Tous avaient le coeur qui battait très fort, conscients de vivre un moment historique.
Pendant ce temps, le nouveau président prononçait son tout premier discours devant plus de 200 000 personnes dans une arène de Chicago pleine à craquer. Le révérend Jesse Jackson, chantre du droits des Noirs aux Etats-Unis, versait de grosses larmes, et les supporteurs d’Obama dans le monde entier laissaient éclater leur joie.
Au Kenya, village natal du père du candidat démocrate, le Président décrétait que le lendemain serait un jour férié, et la grand-mère du nouveau locataire du bureau ovale dansait de bonheur.
A la cellule images de BFMTV, les petites mains découpaient le plus vite possible les images qui arrivaient du monde entier...

lundi 3 novembre 2008

La peur du Noir

Barack Obama peut-il vraiment devenir le premier président noir des Etats-Unis? Demain, les électeurs Américains diront s’ils sont prêts à faire évoluer de manière spectaculaire les relations entre les Noirs et les Blancs dans le pays.
L’élection de Barack Obama permettrait de tourner définitivement la page de deux siècles et demi d’esclavage et d’un siècle de ségrégation raciale.
Comme le note Nicole Bacharan, politologue spécialiste des Etats-Unis, Obama est un « candidat post-racial capable de parler aux deux camps ». Hormis le discours de Philadelphie en mars dernier, dit « discours sur la race », la question raciale a été très peu abordée lors de cette campagne.
Pourtant, Obama l’a dit lui-même lors de ce discours : « La question raciale est un sujet que cette nation ne peut pas se permettre d’ignorer. » Le candidat démocrate, qui a tout fait pendant la campagne pour ne pas être « le candidat des Noirs », s’est par la suite employé à délivrer un message d’unité : « Peut-être que nous ne nous ressemblons pas tous, et nous ne venons pas tous du même endroit, mais nous voulons tous aller dans la même direction : vers un meilleur avenir. »
Il s’est montré réaliste vis-à-vis de son parcours : « Mon histoire ne fait pas de moi le plus conventionnel des candidats. » Puis vis-à-vis des observateurs : « A plusieurs reprises durant cette campagne, des commentateurs m’ont trouvé soit trop Noir soit pas assez. »
Au début du mois d’octobre, certains sondages lui donnaient jusqu’à 11 points d’avance sur son rival républicain John McCain. Mais, à l’approche du scrutin, les observateurs ont commencé à prendre des pincettes concernant l’étendue de la possible victoire d’Obama. « On est dans une terra incognita. Les sondeurs ne savent pas bien évaluer le réflexe raciste », affirme Nicole Bacharan.
La semaine dernière, un complot déjoué de néo-nazis visant le candidat démocrate est venu rappeler que tout le monde n’était pas aussi enthousiaste quant à l’issue du scrutin.
Dans son dernier numéro, « spécial USA », Télérama s’est par exemple rendu en Pennsylvanie, au pays des « cols bleus », ces ouvriers indécis, qui pourraient faire basculer le scrutin. Là-bas, les membres du comité local du Ku Klux Klan font du porte-à-porte pour demander aux gens si ça ne les rend pas malades de voter pour un Noir...
Une enquête d’opinion publiée en septembre dernier et menée par des universitaires de Stanford fait elle aussi froid dans le dos. Près d’un tiers des personnes interrogées estimait ainsi que les Noirs sont « violents », « paresseux » et « responsables de leurs propres problèmes ».
Alors Barack Obama, né d’un père kényan et d’une mère américaine, seul Noir siégeant au Sénat, pourra-t-il enfin entrer dans la Maison qui a toujours été un peu trop blanche ? Réponse demain.