vendredi 23 mars 2007

Peut-on tout dire sur son blog?

Catherine Sanderson, secrétaire bilingue dans un cabinet d’expertise comptable parisien pendant 4 ans, assigne son employeur aux prud’hommes pour licenciement abusif.

« C’est assez stressant tout ça ! », reconnaît Catherine Sanderson dans les couloirs du Tribunal des Prud’hommes de Paris (10ème). Plus connue sous son pseudonyme, « Petite anglaise », cette bloggeuse originaire du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, n’aurait jamais imaginé que son passe-temps la conduirait ici.
En avril 2006, elle a été licenciée sans avertissement de son poste de secrétaire pour « cause réelle et sérieuse », à savoir la perte de confiance. Son employeur, le cabinet d’expertise Dixon Wilson, lui reproche d’avoir dénigré ses supérieurs et d’avoir nui à l’image de son entreprise sur son blog (www.petiteanglaise.com). Lors de l’audience, Maître Muriel Humbert, représentant le cabinet, précise que l’employée a également reconnu avoir alimenté ce blog sur son lieu de travail.
Pourtant, à aucun moment Catherine Sanderson ne nomme ni son patron ni son entreprise. « Ce sont des blagues qu’ils ont prises au sérieux », affirme la jeune femme qui n’a pas l’air de comprendre ce qui lui arrive. Quand elle a appris son licenciement, elle s’est dit « sonnée » : « Je ne m’attendais pas à ce que tout ça prenne une telle ampleur...»
Parmi les passages incriminés, la défense cite un extrait dans lequel « Petite anglaise » qualifie son patron de « twunt », un mot anglais inventé. Dans le dossier d’accusation, il a été traduit par « enculé » - « une des insultes les plus fortes que je connaisse en Français », s’étonne Catherine Sanderson sur son blog. Lors de sa plaidoirie, son avocat, Maître Bruno Courtine, corrige cette traduction par un terme moins connoté : « enfoiré ».
« Mon intention n’était pas de nuire à qui que ce soit », affirme la jeune femme de 34 ans, qui vient de signer un contrat pour deux livres chez Penguin, la célèbre maison d’édition britannique. Le premier est d’ailleurs directement inspiré d’une histoire d’amour relatée sur son blog. Il sortira en janvier 2008 au Royaume-Uni sous le titre « Petite anglaise »... mais il n’y sera pas fait mention de son licenciement. « A l’avenir, je me poserai plus de questions. J’ai été un peu naïve, sans doute », reconnaît-elle.
Son avocat, spécialiste du droit du travail, réclame 92 000 € de dommages et intérêts, soit l’équivalent de deux ans de salaire. Il espère que cette affaire fera jurisprudence : « Il y a de plus en plus de cas de ce genre. C’est un sujet original et contemporain. » Il ajoute, confiant : « Aujourd’hui, la tendance est à la reconnaissance de l’espace de liberté et de vie privée du salarié, à condition que cela n’entrave en rien son activité. »
Le blog de Catherine Sanderson décrit le quotidien de « Petite anglaise » à Paris, par des commentaires volontiers impertinents, « mais en rien insultants », précise Me Courtine. Il reçoit aujourd’hui 4 000 visites par jour et jusqu’à 30 000 internautes se sont connectés sur le site. La décision du tribunal sera rendue le 29 mars.

samedi 17 mars 2007

Tous journalistes?

En cette période de campagne électorale, les journalistes s’inquiètent de plus en plus sévèrement pour leur avenir.
Au début, seuls quelques articles trahissaient cette interrogation, surtout après le tsunami, en 2004. Les vidéos et photos amateurs du drame reprises par les différents médias ont provoqué une vague de morosité –sans mauvais jeu de mot –parmi les journalistes.
A quoi servent-ils aujourd’hui ? A en croire Daniel Schneidermann dans "Libération", pas à grand chose... Avec lui, on peut se demander si "Le Canard Enchaîné" est bel et bien le seul journal à avoir décidé de poursuivre son travail d’enquête sur les candidats.
A l’image de PPDA dans "J’ai une question à vous poser", le journaliste serait à présent là pour introduire un sujet, comme les regrettées speakerines de la télévision de nos parents. Mais pas question pour lui d’intervenir, même si des énormités sont proférées lors de l’émission. Le citoyen a pris la parole et il n’est pas prêt de la rendre...
Alors l’information peut-elle se priver de journalistes ? Oui, à en croire les nombreux bloggeurs de la toile qui se considèrent comme tel. Invité sur le plateau de "C dans l’Air" (France 5) vendredi 16 mars, Jérôme Guillet, bloggeur devant l’éternel et par ailleurs directeur de projet énergie, n’a pas hésité une seule seconde à répondre à cette question par l’affirmative.
Certes, la révolution Internet bouscule les traditions. Les journaux, sommés de réagir avant de disparaître pour de bon, sont désormais au pied du mur. Mais qu’en est-il de la vérification des informations ? de la fiabilité des sources ? de la clarté de l’expression ? Si ces éléments étaient innés, pourquoi des milliers d’étudiants se presseraient-ils chaque année aux portes des écoles de journalisme ?
Finissons avec cette citation d’Eric Fottorino, rédacteur en chef au "Monde", qui résume les qualités intrinsèques de la presse dite traditionnelle : «On n’ira jamais plus vite, mais on ira toujours plus profondément. » A bon entendeur...

mercredi 14 mars 2007

Le défi australien de Léonie

Léonie Lasserre, tout juste diplômée des Beaux Arts de Nancy, s’apprête à partir seule en Australie pendant six mois pour réaliser sa première grande production artistique.

Le projet de Léonie Lasserre commence par une anecdote : un soir, son père regarde un reportage à la télévision sur le Prince du micro-état du Hutt River, en Australie, et lance à sa fille : « Si tu vas là-bas, j’aimerais que tu ailles le voir pour moi».
Ça tombe bien, après cinq années passés à l’Ecole des Beaux Arts de Nancy, la jeune femme de presque 26 ans vient d’obtenir son Diplôme national supérieur d’études plastiques (DNSEP). « En sortant des Beaux Arts, on est un peu livrés à nous-mêmes », remarque Léonie. C’est alors qu’elle se lance dans un défi, personnel avant tout : traverser l’Australie d’est en ouest, de Sydney à Perth, en 183 jours exactement. « Six mois, c’est long mais c’est court. Je sais que ça va passer vite. »
Lauréate du Défi Jeunes en octobre 2006, ce petit bout de femme est attirée par d’autres mondes. Dans son enfance, elle a vécu à Montréal et depuis, sac au dos, elle a visité les Etats-Unis, le Maroc, l’Italie, l’Allemagne, la Croatie, le Chili et la Bolivie, entre autres. « Je n’étais jamais seule », précise Léonie, petite brune aux yeux marrons.
Rencontrée quelques jours avant le grand départ sur la terrasse d’un café parisien, elle l’avoue franchement : elle est un peu inquiète. Elle tire régulièrement sur sa cigarette. « Je ne vais pas rentrer avec quelque chose dont je ne suis pas satisfaite. Je vais me donner les moyens de repartir avec quelque chose de bien. »
Comme support de son art, Léonie Lasserre a choisi la « vidéo-écriture ». Pour cela, elle emmène dans ses bagages une caméra numérique et un ordinateur portable. « Je ne sais pas ce qui m’attend. Tout ce que je sais, c’est que je ne me filmerai pas moi. Ma production dépendra beaucoup de ce que je vivrai.» Pour tenter de conserver une certaine distance, elle adopte un ton ironique, qu’elle qualifie de « pathétique-drôle », en voix-off de ses courts-métrages. Elle avait déjà expérimenté cette manière de travailler pour "Mes sales petits secrets", en 2006.
Pourquoi l’Australie ? « Un peu par hasard ! », avoue-t-elle. A la veille de son diplôme, un ami lui parle de son projet d’aller vers d’autres horizons. L’idée fait son chemin dans la tête de la jeune femme : « Deux semaines après, il fallait que je parte ! J’avais juste besoin de quelqu’un pour me donner des coups de pied aux fesses. » C’est à cette période qu’elle prend contact avec des organismes susceptibles de l’aider. « Elle est arrivée avec ses rêves et son désir d’Australie. C’était encore un peu naïf, mais c’est normal à 20 ans... », analyse Alain Krepper, responsable du Défi Jeunes en Meurthe-et-Moselle. En tout, 7000€ lui sont attribués pour mener à bien son projet.
Léonie considère cette expérience comme un voyage initiatique, « au sens d’épreuve », précise-t-elle. « L’art m’aidera. Quelqu’un a dit : ‘la névrose c'est l'artiste, et l'art guérit la névrose’. Il faut qu’il y ait quelque chose qui coince pour que ça sorte. »
A son retour, une exposition est prévue, « mais cela dépendra de ma production sur place », tempère-t-elle. Cependant, elle ne craint pas de revenir avec une trop grande profusion d’images ou de textes dans ses valises. « Je suis très minimaliste, affirme-t-elle. Je ne vais pas écrire juste parce qu’il faut que j’écrive. » Pour l’heure, ses préoccupations sont plus matérielles qu’artistiques : elle doit encore préparer son sac.

dimanche 11 mars 2007

Crunchés

Les rugbymen français ne remporteront pas leur 9ème Grand Chelem cette année dans le Tournoi des Six Nations. Dimanche, les « froggies » se sont fait croquer par de jeunes loups anglais trop contents de faire manger la pelouse de Twinckenham à leurs rivaux historiques. Je me suis rendue dans un pub du 14ème arrondissement de Paris, « The Financier », pour vivre d’un peu plus près la défaite des Bleus (26-18).

Il est 16h et l’ambiance est surchauffée. 150 à 200 personnes dans un pub, cela fait du bruit. Le public, à majorité masculin, s’est réuni pour assister à ce que les Anglais surnomment le « crunch », ou « moment critique ».
Déjà, les spectateurs, regroupés devant trois écrans, entonnent « La Marseillaise » à pleins poumons. Lorsque les joueurs du Quinze de la Rose entrent sur le terrain, quelques sifflets se font entendre dans l’enceinte du pub. Mais le rugby étant un sport fair-play par essence, ceux-ci sont vite camouflés par les applaudissements.
Les deux équipes se rencontrant pour la 87ème fois de leur histoire, on aurait pu penser que l’enthousiasme allait retomber, mais non. Dès l’entame du match, le coeur des partisans de chaque camp bat au rythme des offensives et des contre-offensives des joueurs.
Paradoxalement, les supporteurs bleus sont plus nombreux que les autres dans ce pub typiquement anglais, avec sa lumière basse et ses murs sombres. Les Français dominent largement leurs adversaires du jour dans ce secteur du jeu. Sur le terrain cependant, les Bleus souffrent et ont de plus en plus de mal à contenir les assauts des Anglais.
« Allez les Bleus ! » A grand renfort de cris, le public a beau pousser de toutes ses forces avec le pack tricolore, rien n’y fait. Le mur anglais semble infranchissable. Au contraire, la défense française se fait transpercer à deux reprises, par Flood (49e) et Tindall (73e). Dans la salle, il faut jouer des coudes pour réussir à apercevoir l’écran. Comme un clin d’oeil à leurs hôtes du jour –qui ne sont pas les derniers à lever le coude –, les spectateurs passent et repassent avec des verres de bière pleins à ras bord.
De l’autre côté de l’écran, les supporteurs britanniques ont compris que la victoire ne pouvait plus leur échapper. Comme une dernière provocation, un « swing low swing charriot » rappelant les plus grandes heures du rugby anglais monte des tribunes du stade. De ce côté-ci de la Manche, les spectateurs dépités se dispersent déjà.

jeudi 8 mars 2007

Le plancher des vaches


Au « Coin du Bois », la ferme jurassienne de Ghislain Rondot est tout ce qu’il y a de plus classique. Une grande façade ornée de « bardeaux », ces planches de bois découpé, abrite une étable qu’occupe habituellement une cinquantaine de vaches. A l’entrée, un tracteur flambant neuf rappelle que le jeune agriculteur n’est propriétaire des lieux que depuis un an.

A l’intérieur, le décor est moins traditionnel. En entrant, une odeur de pneu brûlé vous assaille les narines. Une population inhabituelle s’affaire entre les stalles : les ouvriers ont remplacé les vaches. Les montbéliardes, délogées pour quelques heures, doivent se contenter du pré adjacent. Seule Toscane, une belle blanche de plus de 600 kilos prête à vêler, est restée à l’intérieur. Son propriétaire a eu des scrupules à la mettre dehors.
A leur retour, les belles retrouveront leur place, mais avec un confort supplémentaire. Le but de ce déménagement provisoire : la pose de tapis sur mesure en caoutchouc. Un système de picots permet de faire circuler l’air sous les tapis, afin d’éviter l’humidité.
« L’avantage, c’est que ça leur évite de glisser. Quand une vache tombe, elle risque de marcher sur ses trayons, et après, elle est bonne pour l’abattoir... », précise Ghislain. En plus du confort de ses bêtes, le fermier y trouve lui aussi des avantages. « Ça permet d’économiser de la paille. Et puis ça évite les accidents », note Alexandre, de la société Agri’Est, qui commercialise les tapis dans toute la France.
Le « kraiburg », de fabrication allemande, comme son nom l’indique, est composé à 80% de pneus recyclés et à 20% de caoutchouc naturel. Les pneus, récupérés en France, sont envoyés en Hongrie pour être triés. Ils achèvent leur tour d’Europe en Allemagne, où le produit est ensuite calibré pour être transformé en tapis.
A l’extérieur, un reste de neige fondue fournit aux vaches un tapis 100% naturel. Pendant ce temps-là, dans les bâtiments, les ouvriers s’activent. En un peu plus d’une heure et à grand renfort de balais, le sol est bientôt débarrassé de sa paille séchée.
Pour couvrir les 100m2 de son étable, Ghislain Rondot a dû débourser 3000€, « et je n’ai pas reçu de subventions », regrette-t-il. « J’admets que ça coûte cher, mais ça permet d’éviter les pépins. C’est de la prévention avant tout », remarque Jean-Luc, le père de Ghislain, agriculteur lui aussi, mais qui n’a pas encore opté pour le « matelas à vache » tout confort dans sa propre ferme.
Les tapis, de 2 à 3 cm d’épaisseur, doivent ensuite être fixés au sol. C’est là que le casse-tête commence. « A chaque fois, il faut qu’on tombe en face des poteaux ? », s’inquiète Ghislain. « Ça fait trois fois qu’on le déplace celui-là. C’est pas léger, ces trucs-là ! », grogne Clément, son jeune frère. Pour gagner du temps, Alexandre décide de découper les encoches nécessaires au couteau de cuisine.
Alors, le bien-être des animaux, une préoccupation moderne ? « C’est un peu la mode en ce moment... », reconnaît le propriétaire des lieux. Les revendeurs, quant à eux, profitent de ce nouveau phénomène. « Aujourd’hui, on livre 10 camions par mois alors qu’on en vendait à peine un camion il y a 5 ans », note Alexandre.
Jean-Luc supervise de loin les travaux : « Faites attention à bien les coller, pour que la paille ne se mette pas dans les jointures... Je n’ai pas envie de recommencer ça tous les ans ! »

mercredi 7 mars 2007

"Il y a quelque chose de pourri..."

Depuis mi-décembre, des centaines de sans abris ont installé leur tente au bord du Canal Saint-Martin. Après l’adoption par le gouvernement d’un « plan d’action renforcé » le 8 janvier dernier, les Enfants de Don Quichotte, à l’origine du mouvement, avaient promis de lever le camp. Cette décision n’ayant pas été suivie d’effet, les riverains commencent à s’impatienter.


A Noël, au plus fort du mouvement, elles étaient 260. « Elles », ce sont les tentes de sans domicile fixe qui jonchent depuis deux mois les rues du Canal Saint-Martin, dans le 10ème arrondissement de Paris. Au 1er mars, il en reste 117, déchirées et souvent taguées. On est loin de l’image de camping familial diffusée pendant les fêtes de fin d’année.
En fin de journée, quelques SDF, visiblement avinés, déambulent sur la chaussée. Une forte odeur d’urine monte du campement. « Au départ, ça allait. Quand on me demandait de l’eau, j’en donnais. Mais parfois, un mec en sang rentre dans ta boutique après s’être battu, et là, c’est gonflant ! » Les paroles de Rocky, dont le salon de coiffure donne directement sur les tentes rouges et noires, reflètent le sentiment de la plupart de ceux qui vivent ou travaillent à proximité du campement.
« Les gens en parlent quand ils viennent au salon, mais ça ne s’est pas ressenti sur la fréquentation. J’ai mes habitués... », continue Rocky, chemise aux motifs indiens et santiags, visiblement plus agacé que gêné. Au magasin de vêtements « Quai 71 », Somali, une vendeuse, l’affirme sans hésiter: « Ils ne me dérangent pas ! Les gens me demandent si ce n’est pas trop dur de travailler ici. Quand on sort dans la rue, ils vous parlent, mais ils n’entrent jamais dans le magasin.»
Au café-restaurant « Chez Prune », où il y a foule en ce début de soirée, on est du même avis. Arnaud, un plateau à la main, zigzague entre les clients : « Les SDF ne nous empêchent pas de travailler. Bien sûr, ceux qui restent sont durs à gérer. Mais on ne voit que ceux qui donnent une mauvaise image du campement. » Le service de sécurité mis en place par la mairie, installé juste devant l’établissement, a au moins eu le mérite de rassurer les commerçants. Les services de la Mairie du 10ème arrondissement contactés n’ont pas donné suite à notre demande d'entretien.
Du côté des riverains, l’humeur est moins sereine. Certains se sont même réunis en association. En décembre, ils avaient accueilli d’un oeil bienveillant – et surtout solidaire – les premières tentes. Aujourd’hui, tout a changé. Ou plutôt non : le « pourrissement » de la situation les pousse à exprimer leur ras-le-bol. Les témoignages postés sur le site internet de l’Association des Riverains du Canal Saint-Martin (canalstmartin.canalblog.com) rapportent l’« agitation permanente », les insultes et autres empoignades que subissent les locaux.
Les services sociaux, qui gèrent la crise, ne demandent qu’une chose aux riverains en colère : un peu de patience. La Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS), qui a examiné 280 dossiers de SDF depuis décembre, réclame avant tout du temps: « La solution n’est pas d’ouvrir les portes des centres d’accueil plus longtemps. Chaque centre va devoir changer son système de fonctionnement. Cela nécessite plus d’équipes encadrantes, plus de personnel... » Certains SDF refusant de partir, le relogement pourrait prendre encore un peu plus de temps.
Le problème des sans abris qui restent le long du Canal Saint-Martin n’a été que partiellement réglé par l’ouverture du Fort de Nogent (Val-de-Marne) le 23 février. Quarante d’entre eux ont pu trouver une place parmi les légionnaires, qui vivent habituellement dans le Fort. « C’est une solution parmi d’autres », affirme-t-on à la FNARS.
Les associations se félicitent de l’adoption de la loi sur le logement opposable, la veille de la réquisition du Fort. Mais selon la FNARS, cette loi n’est qu’une « étape vers le droit au logement », le but ultime du combat. L’association Emmaüs de Paris réclame quant à elle des solutions plus durables : « Ce qui a été annoncé, ce sont des plans de réorientation, qui débouchent sur des places d’hébergement provisoire. Nous souhaitons que chaque SDF ait une vraie place. » Emmaüs ne fait cependant curieusement état d’aucune plainte particulière de la part des riverains.

"I wonder where Heaven is"

Today, it is pouring rain. Marc, 64, who has been living in the street for twenty years, took refuge inside the St Sulpice church, in the 6th district of Paris. ‘At least here, they allow me to sit inside. It’s not the case in every church…’ Sometimes, he helps by tidying the place, and gets paid in return. Being a Catholic, he often attends mass there. ‘I even used to be an altar boy when I was young. But now, I wonder where heaven is… Is it up there?’ he asks, pointing at the church’s ceiling.
Marc wears a green winter coat and big shoes. His black beard has patches of white hair inside. A couple of plastic bags lie on the floor beneath him. There is a strong smell of pee around him. Born in the Réunion Island, he came to France when he was 20. ‘I still have nieces and nephews there. Next year, I’ll go back there. Why should I stay in France?’ Marc is married with four children, whom he does not see anymore.
Every day, from morning to dusk, thousands of people pass the church’s threshold. ‘This place is almost as famous as Notre-Dame,’ Marc says. ‘You see plenty of tourists, mainly Italians. There are so many of them! And people are quite wealthy in the area…’ When the weather is fine, Marc goes outside, and sits in the open air, in parks, mainly. ‘I pity those who live in 600 m2 flats and don’t even have time to enjoy it.’
He has trouble understanding why his situation has not improved. ‘There are plenty of empty flats in Paris and what about us? We’re still in the street. They’d rather let everything fall to pieces than let us in. Today, anywhere you go, you’re asked to leave, be it in the Tube or under a porch.’
He is interested in politics, ‘just like anybody else,’ and quotes former French Prime minister and presidential contender Lionel Jospin, who said in a 2002 speech that ‘there would be no more homeless people in the streets by 2007.’ ‘It’s sad to say, but that’s not true…They’re all making great promises but nothing happens. Let’s hope things change.’
Marc used to work in several different fields: ‘I just took everything I was offered.’ He remembers that once, while working in the kitchen of a secondary school’s canteen, he went on a skiing trip to Courchevel with the pupils. ‘I would love to go back there… I really had fun!’ he says with a hint of nostalgia. But one day, he was fired and he has never been able to find a regular job since.
Today, he earns the RMI, which amounts to 450 euros every month. With that small sum, he can afford a room in a cheap hotel in the suburbs once or twice a week. The other nights, he either sleeps in the street or in social halls of residence. But Marc does not like them too much, ‘Sometimes, I’m happier to leave them than to enter them!’ Violence and theft are often perpetuated inside the halls.
He does not rely on the public distribution of hot meals as often as before. ‘Sometimes, things turn out badly there, too,’ he says. Looking at his plastic bags, where one can make out a sandwich and a newspaper, he claims, ‘I’ve not chosen to live in the street. No one does it for pleasure.’

P2v.fr ou le degré zéro de l’interactivité

Candidat sur la sellette, puisqu’il n’a pas encore ses 500 signatures, Philippe de Villiers n’a en ce moment qu’une idée en tête sur son blog (www.p2v.fr) : dénoncer le diktat des parrainages.
Les prétendus accords secrets entre les autres candidats, qu’il qualifie de « cocasses » : « très peu pour lui ! ». C’est en tout cas ce qu’il affirme dans la première vidéo, filmée le 6 mars dernier lors de sa visite au Salon de l’Agriculture.
Philippe de Villiers, « élu de terrain », comme il le dit lui-même, est omniprésent sur la page d’accueil de son blog, animé par Jérôme Rivière, Député UMP de Nice ayant rallié le candidat du Mouvement Pour la France. Pas moins de dix photographies le représentant en meeting, en visite sur le terrain, sur la couverture de son livre, « Une France qui gagne », ou encore en train de renouer sa cravate en image d’ouverture, en haut à droite du bandeau d’accueil. Ses passages sur les plateaux de télévision (France 2, LCI) sont également disponibles en vidéo.
Le blog du Président du Conseil général de Vendée n’est sans doute pas le plus lu parmi ceux des candidats à l’élection présidentielle. D’ailleurs, aucun décompte de visiteurs n’est réalisé sur le site.
L’interactivité n’est pas le point fort du blog : les six premières entrées n’ont ainsi suscité aucun commentaire… Seul l’article intitulé « Hold-up sur l’élection présidentielle », signé Philippe Rivière, président du comité de soutien du candidat du MPF, a fait réagir sept internautes. Le jour de la visite du site, la vignette « G. Peltier répond aux internautes » était inaccessible.
Gageons que l’électorat, plutôt âgé, de Philippe de Villiers, n’a pas comme premier réflexe de surfer sur le net pour déterminer son vote du 22 avril…

mardi 6 mars 2007

Portrait d'Yves Calvi

La méthode Calvi

Yves Calvi, 47 ans, présente C dans l’Air, l’émission-phare de France 5, depuis 6 ans. Il anime également Mots Croisés et Le Grand Tournoi de l’Histoire sur le service public. Pour lui, une seule chose importe : la transmission de la culture, sous toutes ses formes.

« Je vis quelque chose que peu de gens vivent : je suis quotidiennement en direct depuis 20 ans et je n’ai jamais débandé de ce truc-là ! C’est un énorme stress, mais ça me fait beaucoup de bien. » Yves Calvi est un drogué du direct. Encore à la tête du journal de la mi-journée à Europe 1, il a un jour eu envie de relever un nouveau défi.
Jérôme Bellay, son ami et producteur depuis 20 ans, lui propose de se lancer dans l’aventure de C dans l’Air. Cette émission d’éclairage culturel aborde tous les jours un fait d’actualité majeur. Pour cela, trois ou quatre spécialistes viennent partager leurs connaissances sur le plateau.
Pendant un peu plus d’une heure, Yves Calvi s’applique inlassablement à faire préciser leurs réponses aux « experts » du jour. « Quand on aborde des sujets d’actualité qui ne sont pas forcément vendeurs, il n’y a qu’un seul moyen pour agréger tout le monde, c’est qu’ils vous comprennent. » Pas question pour autant de faire de l’émission un cours magistral. « Je ne me sens pas une âme de professeur. Je suis un intercesseur avant tout », affirme-t-il.
Lors de l’entretien, il se dit « fatigué », mais à le voir, personne ne pourrait s’en douter. Un simple coup d’oeil à son bureau permet de comprendre qu’il ne s’accorde pas beaucoup de repos. Canapé-lit défait et chemise froissée sur un fauteuil, portrait de sa fille sur le mur, le visiteur a le sentiment d’entrer dans l’intimité du journaliste.
Au début de sa carrière, Jérôme Bellay lui a transmis un principe qu’il applique toujours aujourd’hui : être soi-même. « Il m’a demandé : ‘Vous voulez avoir l’air intelligent ? Vous n’avez pas besoin d’avoir l’air intelligent. Vous l’êtes! Ce n’est pas la peine de compliquer les choses ou d’avoir l’air de comprendre ce que vous dit votre invité uniquement pour être sur la même ligne que lui. »
Né à Boulogne Billancourt, « comme 80% des journalistes un tant soit peu célèbres », Yves Calvi n’a pas le sentiment de faire un travail rare dans le paysage télévisuel français. « Je ne m’en rends pas compte. Je n’ai jamais considéré mon métier autrement que comme celui de quelqu’un qui transmet.»
Fils du compositeur Gérard Calvi, le journaliste est conscient d’être un privilégié : « J’ai eu beaucoup de chance d’être dans un univers où il n’était interdit à personne d’aller vers ce qu’on appelle la Culture. » Après des études de Lettres et de journalisme à Sciences-Po – dont il a raté le diplôme -, il a travaillé, dans l’ordre, à RFI, France Info, TLM (Télé Lyon Métropole), RMC, LCI, Europe 1, France 5 (depuis 2001), France 2, France 3. « J’aime les rédactions », précise-t-il.
Malgré son besoin permanent d’activité intellectuelle, il ne se considère pas comme un hyperactif. « Je ne fais que mon métier! J’ai beaucoup de confrères qui écrivent des éditoriaux, qui publient des livres, qui sont directeurs de collection. Je suis très occupé mais c’est le fruit d’un choix. En même temps, dans ce métier-là, si vous ne prenez pas le boulot quand il vient à vous ...»
Naturellement à l’aise sur un plateau, il peut compter sur la préparation méthodique de son équipe. « C’est un chirurgien. Quand il arrive, il n’a plus qu’à enfiler les gants... » Ses connaissances facilitent d’autant le travail de ses collaboratrices. « Il a une super culture générale, remarque Sophie, qui participe à la préparation de C dans l’Air depuis 5 ans. Il se tient au courant et découvre rarement les sujets. Seule une émission sur les poisons ou sur les produits du terroir risque de lui poser un peu plus de problèmes... »
Parmi ses projets, Yves Calvi envisage de retourner à la radio, qu’il a quittée il y a à peine deux ans. « En ce moment, je vis une période de stabilité absolument anormale », conclut-il dans un sourire, en plantant ses pupilles noires droit dans les vôtres.

Sur le plateau de C dans l'Air

Une machine bien huilée

« Antenne dans 1 minute! » Tous les jours, c’est le même rituel. En ce mercredi après-midi, rien de déroge à la routine. Les habitués du public se retrouvent devant le 26 bis de la rue François Ier, où est tourné « C dans l’Air », diffusé quotidiennement sur France 5. Une heure avant l’enregistrement, il n’y a pas foule. Sur le trottoir, seul Michel, qui assiste à l’émission « une à deux fois par semaine », prend son mal en patience en lisant son journal. Il sait que la télévision est une grosse machine et qu’il faut du temps pour qu’elle se mette en place. Les spectateurs arrivent un à un. En attendant, ils discutent de la vie du petit écran : « Vous avez vu qu’Elise Lucet a pris son congé de maternité ? » « Il y a des bruits qui disent qu’Yves Calvi va passer la main …».
17h : Yves Calvi, le présentateur en question, chemise rose et pull gris en écharpe, arrive au studio. Tout ce petit monde s’ébranle pour enfin pénétrer dans l’antre d’Europe 1, qui abrite le plateau de l’émission. C’est là que commence le parcours du combattant pour l’humble spectateur TV. A l’entrée, le vigile réclame les cartes d’identité (« Je vous les rends à la fin de l’émission ») et fouille les sacs. Les conditions de sécurité déployées pour le maigre public font un peu sourire le novice. Après avoir déposé leurs affaires dans un vestiaire fermé à double tour, les spectateurs sont invités à patienter dans un local au lino gris peu accueillant.
Au-dessus de la porte du studio, la lumière rouge reste éteinte pour encore quelques minutes. Une habituée lance à Jérôme, l’assistant de réalisation : « Vous n’oubliez pas de m’inscrire demain, hein ? » Les invités en costume – des habitués eux aussi - attendent sagement dans le couloir, avec le public. A dix minutes du début de la retransmission, les portes s’ouvrent enfin et laissent apparaître un décor de ville futuriste, tout en gratte-ciel. Les invités s’installent autour d’une table en verre, qui constitue le cœur du plateau. La lumière encore tamisée ne va pas tarder à devenir éclatante. Le public, d’une petite vingtaine de personnes, est désormais à son maximum.
Déjà, les trois cadreurs mobiles s’affairent. La maquilleuse passe un dernier coup de fond de teint sur les mains du présentateur et le tour est joué. « Antenne dans 30 secondes – 10 – 5 – 4 », lance le cadreur en chef. « Générique ! » Les 65 minutes de l’émission se déroulent sans aucune fioriture. Yves Calvi, réputé pour son style simple, sobre et direct, lance le débat autour du thème du jour : « Impôts locaux : l’explosion ».