samedi 23 juin 2007

"Secret Story" : des secrets bien gardés (faîtes confiance à TF1)

Le remake trash de « Loft story », diffusé il y a six ans sur M6, est lancé pour 10 semaines. Et ça promet !

Six ans après "Loft story", Endemol remet le couvert. Maison "close", racollage, insinuations, candidats à la plastique presque impeccable, commentaires désarmants de banalité : tous les éléments sont réunis pour une nouvelle cuvée de télé-réalité. D’ailleurs, la ressemblance entre les deux émissions ne trompe personne. Candidats, psychanalyste, ... tout le monde appelle la maison de "Secret story" le "loft".
Benjamin Castaldi, qui présentait déjà la première émission de télé-réalité produite par Endemol, diffusée sur M6 de 2001 à 2002, fait lui aussi partie du décor. Un élément s’ajoute cependant cette année : le principe de l’émission. Chacun des quatorze candidats possède un secret (aussi crucial que "j’ai perdu 50 kilos" ou encore "je suis un enfant de star"), qu’il doit à tout prix garder. La production a échangé ce secret contre 10 000 euros.
Mentir, tromper, manipuler, duper : voici les principes de ce nouveau "Loft" trash. La peste, le sportif, la blonde, et même les jumelles... : tous les stéréotypes des candidats sont là. La première candidate à entrer dans la maison, Maryline, occupe le job prédestiné de ... vendeuse dans un sex shop. La blonde jeune femme l’avoue elle-même, elle a une personnalité "simple". (Les mauvaises langues tenteront de comprendre ce qu'elle peut bien cacher sous cet adjectif ! ) Xavier, basketteur, prévient tout de suite, il sera "sans pitié". A la clé, 300 000 euros, durement acquis par le vainqueur, qui aura su dévoiler les secrets de ses colocataires.
Derrière des allures de mystère, un sujet est omniprésent : le sexe. Alors que l’animateur, Benjamin Castaldi, s’évertue à présenter l’ensemble des pièces de la propriété de 900 m2, il ne peut s’empêcher de faire un petit détour par la piscine (“Que fait-on dans la piscine? On s’y baigne, bien sûr...", demande-t-il avec une certaine finesse, et en référence aux ébats de Loana, qui avaient fait la renommée du "Loft 1").
Les insinuations continuent avec la baignoire, qui trône au milieu du salon - allez savoir pourquoi. La visite continue par les chambres "séparées" , "mais les candidats pourront passer de l’une à l’autre", note sournoisement Benjamin Castaldi. Une question revient d'ailleurs sans cesse à l’accueil des candidats: "Est-ce que vous pensez rencontrer quelqu’un pendant le jeu ?" "Etes-vous à la recherche de l’âme soeur ?"... Toutes les périphrases y passent, mais l’idée est la même : "Allez –nous oui ou non nous refaire le coup de la piscine ?" Réponse tous les vendredis à 18h. Tous les éléments sont réunis pour que ce soit effectivement le cas.

ASI

article à venir

mercredi 13 juin 2007

Tony Blair lance une charge contre les médias

Le Premier ministre a accusé les journalistes de "chasser en meutes" et de "détruire les gens et leur réputation".

Des "bêtes féroces". C'est ainsi que Tony Blair, invité pour une conférence au sein de l'agence de presse britannique Reuters, mardi 12 juin à Londres, a qualifié les journalistes politiques britanniques. Quelques jours avant de tirer sa révérence, le Premier ministre adresse sa charge la plus violente contre les médias.
Il a tout particulièrement égratigné le quotidien libéral "The Independent", qu'il a qualifié de "métaphore de la dégénérescence du journalisme moderne". Selon le Premier ministre, il s'agit aujourd'hui plus d'un journal très "visuel", très "édité", que d'un véritable journal d'informations.
Tout en admettant qu'au début de sa carrière, il avait lui-même eu recours à des conseillers médiatiques, il a affirmé que "la télévision et les journaux avaient considérablement empiré" au cours de la dernière décennie. Tony Blair, qui a toujours su jouer de son image dans les médias, a également fait son mea culpa en précisant que le New Labour (le courant qu'il a créé au sein du Parti travailliste) avait tendance à "trop influencer" les médias.
Il a cependant admis sa "complicité" dans cet état de fait, en reconnaissant implicitement avoir courtisé Rupert Murdoch au début de son règne. Le célèbre magnat de la presse, propriétaire entre autres du quotidien conservateur "The Times" et du tabloïd trash "The Sun", était en effet très hostile au Labour il y a dix ans. "Ces gens-là dirigent un business dans un marché hautement compétitif et ils ont du pouvoir. Le public écoute ce qu'ils ont à dire. Tout ce que je dis est transmis au public à travers vous, mes amis. C'est le monde dans lequel on vit", a ajouté Tony Blair en s'adressant aux journalistes.
Mais il s'est immédiatement défendu en rappelant qu'après 18 ans passés dans l'opposition – les conservateurs ont dirigé le pays de 1979 à 1997 -, et une "hostilité parfois féroce d'une partie de la presse", il aurait difficilement pu se conduire autrement. "Je ne suis pas en train de me plaindre du traitement "injuste" qu'ont pu faire les médias à mon sujet. (…) Je pense que cela méritait d'être dit." Indeed, but…
Les journalistes ont réagi le lendemain en dénonçant ces propos. La Une de "The Independent", sévèrement remis en cause par le Premier ministre, pose cette question sans détour : "Auriez-vous dit cela, Monsieur Blair, si nous avions soutenu votre guerre en Irak?" Tout est dit.

mardi 12 juin 2007

"Un moment d'énervement "

Interview d'Arlette Chabot, directrice de l'information de France 2, à propos de l'attaque de Ségolène Royal contre la "partialité" de France 2 en matière de politique (réalisée pour le nouvelobs.com)

Comment réagissez-vous aux attaques de Ségolène Royal contre l'"absence de pluralisme" du JT de France 2 ? Que pensez-vous du terme "scandaleux" utilisé par l'ex-candidate socialiste ? Aviez-vous vu le sujet avant le passage à l'antenne ?

- Je n'avais pas vu le sujet. C'est un sujet classique, réalisé par notre correspondant à Bordeaux. Mais Ségolène Royal a le droit de dire ce qu'elle veut, elle est libre. L'égalité de temps de parole entre les deux candidats a été respecté lors de ce reportage, et c'est ce qu'on demande pour tous les sujets. Seulement, quand on s'intéresse à une personnalité, on la suit plus particulièrement, on centre le sujet sur elle. C'est ce qu'on fait depuis 25 ans. On cite la "vedette" plus que l'autre. C'est ce qui s'est passé sur ce sujet.
Quant au terme "scandaleux", je pense qu'il a dépassé sa pensée. Le lancement du reportage sur Alain Juppé à Bordeaux précise qu'il est dans une position difficile, tout comme celui sur Arnaud Montebourg, d'ailleurs. Mais je ne peux pas accepter ce terme de "scandaleux". Il n'est pas justifié. Et aucun journaliste de la rédaction ne le peut. On ne peut pas laisser dire qu'on fait la campagne d'Alain Juppé.

Comment justifiez-vous ces critiques alors que le CSA est justement censé vous protéger contre d'éventuelles dérives ?

- Si on ne respectait pas les temps de parole, le CSA nous le ferait remarquer, sans aucun doute. Tout ce que je sais, c'est que c'est un bon moment de télévision. Mais nous avons fait notre travail. On n'a jamais eu de problème pendant toute la campagne présidentielle. On n'a jamais eu le moindre accroc, y compris avec Ségolène Royal. C'est un moment d'énervement. En plus, tous les reportages sont faits de la même façon. On respecte l'égalité du temps de parole et de traitement entre les candidats.
Pendant la campagne, France 2 a réalisé 30 ou 40 heures d'émissions politiques, et nous avons fini à une minute d'écart entre le temps de parole de Nicolas Sarkozy et celui de Ségolène Royal. Si on avait manqué à notre devoir d'équilibre ou d'équité, les candidats n'auraient pas manqué de saisir le CSA. Et il n'y a pas de doute, s'il y avait eu la moindre difficulté, Ségolène Royal l'aurait fait remarqué. Le faire comme ça, sur un sujet, ce n'est pas très important…

Après les attaques de François Bayrou contre les médias pendant la campagne, le pluralisme des journaux télévisés est-il devenu un sujet à la mode parmi les politiques ?

- François Bayrou a fait une grosse sortie contre les médias, et en particulier contre TF1. Mais lorsqu'il a déclaré sa candidature, il est allé sur TF1, donc il ne devait pas s'y trouver si mal que cela. C'est très tendance de remettre en cause les médias. Mais ça me paraît extraordinaire que Ségolène Royal ait lancé sa critique le 11 juin (au lendemain du premier tour des législatives). Pourquoi maintenant? Il est grand temps que cette période s'achève.

lundi 11 juin 2007

"Le Monde" s'est recroquevillé sur lui-même

Cette interview de Daniel Schneidermann a été réalisée pour le nouvelobs.com.

Que pensez-vous des quatre candidats en lice pour la succession de Jean-Marie Colombani à la tête du "Monde" ? L'un d'entre eux vous paraît-il meilleur que les autres ?

- On peut dire que Pierre Jeantet est le candidat de la continuité de la "stratégie colombanienne". Il était d'accord avec l'"opération sud", qui consiste en un possible rapprochement du groupe avec les titres de la presse quotidienne régionale appartenant au groupe Lagardère. C'est le candidat d'Alain Minc et des actionnaires extérieurs. Mais, dans la mesure où la rédaction a voté contre cette proposition de rapprochement, cette solution paraît inacceptable. Sa nomination serait vécue comme une provocation vis-à-vis de la rédaction.
De son côté, Bruno Patino est plus flou concernant le projet de "pôle sud". Il ne s'est pas engagé à le réaliser. Philippe Thureau-Dangin s'est prononcé contre le projet. Par conséquent, une partie du conseil de surveillance ne voudra pas de sa candidature. Quant à Alain Genestar, il a peu de chances, mais pourquoi pas. Cependant, je ne suis pas sûr qu'il ait le profil. Personne n'en veut sérieusement. S'il était nommé, ce serait un sacré pied de nez par rapport au pouvoir politique et au groupe Lagardère. Les deux candidats qui me semblent le plus vraisemblables sont, selon moi, Bruno Patino et Philippe Thureau-Dangin.

Quel bilan tirez-vous de l'ère Colombani ?

- Le bilan est contrasté, même si on me reprochera de ne pas être objectif, après mon licenciement (en octobre 2003). A son actif, on peut dire qu'il a permis au journal de survivre. Il a également su développer le site internet du quotidien. Enfin, il a su constituer un véritable groupe, qui n'existait pas avant lui. Dans la colonne "passif", la présidence Colombani a porté un coup très dur à la crédibilité du "Monde". L'opacité de ses méthodes de direction, décrites dans le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, "La Face cachée du Monde", et son style de commandement ne sont simplement plus possibles aujourd'hui. Les trafics d'influence qu'ont révélés les deux auteurs ont porté un coup à la crédibilité du journal.
Il aurait fallu changer de directeur à ce moment-là, mais le journal s'est recroquevillé sur lui-même dans un réflexe de citadelle assiégée. La crédibilité du "Monde" a été entamée et il ne s'en est pas relevé. Il ne s'en relèvera que quand la "troïka des anciens" laissera sa place. Deux sont déjà partis, il n'en reste plus qu'un : Jean-Marie Colombani.
Des modifications ont déjà eu lieu dans l'organisation du journal. Après le désaveu de Colombani par la société des rédacteurs, une réforme des statuts a été votée. Les fonctions de président du groupe et de directeur de la rédaction sont désormais disjointes. C'est une leçon tirée de l'expérience Colombani.

En tant qu'ancien journaliste du Monde, comment vivez-vous la succession de Jean-Marie Colombani à la tête du groupe ? Maintenant qu'il est parti, envisagez-vous de revenir ?

- Le problème, c'est qu'on ne croit plus ce qu'on lit dans "Le Monde". La crédibilité était le trésor du journal, la prunelle de ses yeux. Autrefois, quand on lisait un article du "Monde", on était persuadé que ses enquêtes étaient écrites de bonne foi, alors qu'apparemment, ce n'était pas forcément vrai. Jean-Marie Colombani, en tant que patron, est le premier responsable de cette perte de crédibilité du journal.
Quant à moi, je n'ai pas de raison particulière d'y retourner définitivement, mais y aller, pourquoi pas, ça dépend pour quoi faire. Un des défis pour les médias traditionnels est de parvenir à les marier avec les nouveaux médias (forums, blogs…). Dans un sens, "Le Monde" le fait avec son site, mais il le fait de manière insuffisante, trop embryonnaire.

PS : La version relue par Daniel Schneidermann est disponible sur le site (http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/20070611.OBS1356/le_bilan_de_colombani_est_contraste.html). Le texte ce-dessus constitue la première version.