lundi 2 juillet 2007

"La Grande-Bretagne n'est plus une terre sacrée"

3 questions à ... Yves Bonnet, ancien directeur de la DST

Peut-on parler de réussite de la part des services secrets britanniques, qui ont déjoué les attentats avant qu'ils ne fassent des victimes? Le fait de renforcer la surveillance permet-il vraiment de prévenir les attentats ?

- Indiscutablement. Les différentes arrestations de suspects prouvent que le système de lutte antiterroriste mis en place par les Britanniques fonctionne bien. Mais cela implique un gros travail en amont, notamment en ce qui concerne l'identification des personnes, des réseaux. Le fait de placer les citoyens sous surveillance a du bon, même si cela ne va pas forcément de pair avec le respect des libertés individuelles.
Les Britanniques ont longtemps privilégié les droits humains, c'est tout à leur honneur. Mais cela a probablement facilité la tâche d'un certain nombre de gens malveillants. Cette tendance a poussé certains mauvais esprits à penser que tant qu'elle n'était pas touchée, la Grande-Bretagne s'en moquait de ce qui pouvait se passer. Il faut bien comprendre que pendant de longues années, certains terroristes se sont abrités derrière la permissivité des britanniques. En 1995, lorsque les services français ont identifié l'un des responsables des attentats de Paris, Rachid Ramda, réfugié à Londres, la Grande-Bretagne a mis dix ans avant de l'extrader.
Il existait un certain modus vivendi entre la Grande-Bretagne, qui se sentait à l'abri, et les terroristes, qui n'agissaient pas sur le sol britannique. Ce modus vivendi tacite a aujourd'hui disparu.

Est-ce que cette permissivité ne s'est pas retournée contre la Grande-Bretagne aujourd'hui ?

- Les raisons de ce changement d'attitude de la part de la Grande-Bretagne sont faciles à trouver : les attentats de Londres, en juillet 2005. Depuis, la Grande-Bretagne n'est plus une terre sacrée pour ceux qui veulent préparer des attentats. A partir du moment où des bombes ont explosé sur leur territoire, les Britanniques ont changé de méthode, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne faisaient rien avant…
Simplement, le respect du droit des personnes est une tradition britannique : il remonte à l'habeas corpus. Il faut savoir faire la part entre les atteintes portées aux libertés et les exigences de sécurité. La position des Britanniques a longtemps été de dire qu'on fait le jeu des terroristes en se lançant dans une répression trop importante.

Quel est l'état de la menace terroriste en Europe? Concrètement, comment peut-on lutter contre elle ?

- L'état de la menace terroriste reste difficile à évaluer. La menace repose sur l'existence de réseaux opérationnels, bien constitués. La réponse internationale est plus efficace aujourd'hui, depuis que les services de sécurité et de police partagent et internationalisent leurs données.
Afin de lutter contre d'éventuels attentats, il faut continuer le travail qui a été effectué depuis de nombreuses années. Il faut acquérir une connaissance progressive des réseaux. Cela ne sert à rien de prévoir des effectifs plus importants.
A mon avis, le plan Vigipirate est inutile, c'est du cinéma. Il s'agit d'une mesure inopérante : on n'évite pas des attentats avec des mesures statiques, mais en connaissant les réseaux, en les infiltrant, ce que la France fait d'ailleurs plutôt bien. On n'a pas besoin de soldats dans les halls de gare.
La fusion de l'ensemble des services français pour lutter contre le terrorisme, qui est en cours, est une étape importante pour la mise en commun de renseignements. Les services sont de plus en plus amenés à collaborer aux niveaux européen et mondial.

(Cette interview a été réalisée pour le site internet www.nouvelobs.com)

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