jeudi 19 avril 2007

Tournons sous la pluie

Les Chansons d’Amour, le quatrième long métrage de Christophe Honoré, est sélectionné pour le 60ème Festival de Cannes. Avec Le scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel et Une vieille maîtresse, de Catherine Breillat, c’est le troisième film français en compétition.

Il est 9h du matin et le boulevard Lenoir est prisonnier de la grisaille. L’équipe du deuxième film de Christophe Honoré, Les Chansons d’amour, arrive petit à petit. La vedette du long métrage, Ludivine Sagnier, débarque elle aussi, apparemment pas réveillée et visiblement pas maquillée. Les autres protagonistes ne montreront leur minois que beaucoup plus tard.
Dans la scène du jour, Ludivine Sagnier et Chiara Mastroianni, qui joue Jeanne, doivent traverser le trottoir pour s’engouffrer dans la station de métro la plus proche. L’équipe des effets spéciaux a pour mission de recréer la pluie. Sur le script, la scène tient en une seule ligne : "Jeanne et Julie marchent sous un parapluie." Quelques heures plus tard, ce détail aura son importance.
Ce jour-là, l’équipe de Christophe Honoré a choisi de poser ses caméras dans le 11ème arrondissement de Paris. "Un des appartements qui sert de décor au film se trouve à Bastille. J’aime respecter la topographie réelle des lieux. Ça aurait été compliqué de tourner la Bastille à Nancy !", précise le réalisateur. Le 10ème arrondissement avait servi de décor au tournage dans les semaines précédentes. "On est restés trois semaines et demi en tout. C’est un des quartiers les plus denses de Paris. On embête tout le monde quand on tourne…", note le régisseur général, Laurent Rizzon.
Avec 730 films (clips, publicités, longs métrages…) tournés en 2006, Paris est bel et bien la capitale du cinéma. Le nombre de tournages a d’ailleurs augmenté de 10% par rapport à l’année précédente. Les tournages perturbent parfois la vie des résidents, qui ne sont pas tous aussi ravis que Serge : "J’adore assister à des tournages. Ils ont déjà tourné pas mal de films ici", dit-il en montrant la devanture d’une cordonnerie qui apparaît dans La Vengeance du Serpent à Plumes.
Le réalisateur note un certain changement depuis son dernier tournage, il y a deux ans, pour Dans Paris, son précédent film : "Ça devient de plus en plus difficile de tourner à Paris, en termes d’autorisations surtout. Je pense que ça vient de la Préfecture. Elle a beaucoup de demandes à gérer et les conditions deviennent de plus en plus drastiques. Depuis l’année dernière, le coût a augmenté, lui aussi. En plus, il n’est pas adapté au budget du film…" Pourtant, la Mairie de la ville se targue d’avoir facilité les conditions d’accès à l’ensemble du patrimoine culturel parisien grâce à une nouvelle politique tarifaire.
La scène prévue en cette matinée grisâtre prévoit de recréer la pluie. Comme le rappelle Thierry, assistant effets spéciaux : "Notre boulot c’est de tout planifier avant le jour-J. On doit repérer les lieux bien avant. Il n’y a pas de place pour l’improvisation."
L’installation de la nacelle et de ses trois branches prendra pas loin de deux heures, sans compter les négociations préalables avec les autorités. "La Mairie essaie de garder de bonnes relations avec le voisinage, c’est compréhensible. Mais rien que pour installer une nacelle comme celle-là, il a fallu demander l’autorisation de la Préfecture, de la Mairie et du commissariat d’arrondissement !", remarque Laurent Rizzon.
Aucun incident majeur n’est venu ponctuer les vingt jours de tournage déjà effectués. Seuls quelques petits événements rendent le travail un peu plus compliqué. Pour Charles, stagiaire son sur le plateau des Chansons d’amour, le fait de tourner à Paris est particulier en soi: "Avec le bruit des klaxons, des sirènes, des livraisons, on se croirait dans un centre commercial !"
Sylvie, la première assistante, avoue elle aussi après trois heures de tournage que tourner dans les rues de la capitale entraîne une pression supplémentaire : "Il y a forcément un peu de tension pour les plans compliqués comme celui-là. En plus, on n’est pas gâtés par la circulation aujourd’hui." L’équipe n’a en effet pas obtenu les autorisations nécessaires auprès de la Préfecture de police pour couper la circulation sur le boulevard. Un casse-tête de plus pour les équipes qui décident de tourner à Paris envers et contre tout.
Après quatre prises, la scène est finalement retenue. Ludivine Sagnier, trempée, a dû se faire sécher les cheveux entre chaque prise pour ne pas attraper froid. Ses efforts sont récompensés par un large bouquet de roses avant la pause-déjeuner. "Ce genre d’inconvénients font partie de métier! Mais ça fait plaisir de voir son travail reconnu aussi agréablement", précise la jeune actrice.
Les comédiennes rentrent à l’hôtel, mais les techniciens restent sur place. Avec l’aide de Sylvie, la première assistante, Guillaume, l’ingénieur son, s’apprête à enregistrer le bruits des gouttes d’eau sur le parapluie, l’autre star du jour.

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