jeudi 8 mars 2007

Le plancher des vaches


Au « Coin du Bois », la ferme jurassienne de Ghislain Rondot est tout ce qu’il y a de plus classique. Une grande façade ornée de « bardeaux », ces planches de bois découpé, abrite une étable qu’occupe habituellement une cinquantaine de vaches. A l’entrée, un tracteur flambant neuf rappelle que le jeune agriculteur n’est propriétaire des lieux que depuis un an.

A l’intérieur, le décor est moins traditionnel. En entrant, une odeur de pneu brûlé vous assaille les narines. Une population inhabituelle s’affaire entre les stalles : les ouvriers ont remplacé les vaches. Les montbéliardes, délogées pour quelques heures, doivent se contenter du pré adjacent. Seule Toscane, une belle blanche de plus de 600 kilos prête à vêler, est restée à l’intérieur. Son propriétaire a eu des scrupules à la mettre dehors.
A leur retour, les belles retrouveront leur place, mais avec un confort supplémentaire. Le but de ce déménagement provisoire : la pose de tapis sur mesure en caoutchouc. Un système de picots permet de faire circuler l’air sous les tapis, afin d’éviter l’humidité.
« L’avantage, c’est que ça leur évite de glisser. Quand une vache tombe, elle risque de marcher sur ses trayons, et après, elle est bonne pour l’abattoir... », précise Ghislain. En plus du confort de ses bêtes, le fermier y trouve lui aussi des avantages. « Ça permet d’économiser de la paille. Et puis ça évite les accidents », note Alexandre, de la société Agri’Est, qui commercialise les tapis dans toute la France.
Le « kraiburg », de fabrication allemande, comme son nom l’indique, est composé à 80% de pneus recyclés et à 20% de caoutchouc naturel. Les pneus, récupérés en France, sont envoyés en Hongrie pour être triés. Ils achèvent leur tour d’Europe en Allemagne, où le produit est ensuite calibré pour être transformé en tapis.
A l’extérieur, un reste de neige fondue fournit aux vaches un tapis 100% naturel. Pendant ce temps-là, dans les bâtiments, les ouvriers s’activent. En un peu plus d’une heure et à grand renfort de balais, le sol est bientôt débarrassé de sa paille séchée.
Pour couvrir les 100m2 de son étable, Ghislain Rondot a dû débourser 3000€, « et je n’ai pas reçu de subventions », regrette-t-il. « J’admets que ça coûte cher, mais ça permet d’éviter les pépins. C’est de la prévention avant tout », remarque Jean-Luc, le père de Ghislain, agriculteur lui aussi, mais qui n’a pas encore opté pour le « matelas à vache » tout confort dans sa propre ferme.
Les tapis, de 2 à 3 cm d’épaisseur, doivent ensuite être fixés au sol. C’est là que le casse-tête commence. « A chaque fois, il faut qu’on tombe en face des poteaux ? », s’inquiète Ghislain. « Ça fait trois fois qu’on le déplace celui-là. C’est pas léger, ces trucs-là ! », grogne Clément, son jeune frère. Pour gagner du temps, Alexandre décide de découper les encoches nécessaires au couteau de cuisine.
Alors, le bien-être des animaux, une préoccupation moderne ? « C’est un peu la mode en ce moment... », reconnaît le propriétaire des lieux. Les revendeurs, quant à eux, profitent de ce nouveau phénomène. « Aujourd’hui, on livre 10 camions par mois alors qu’on en vendait à peine un camion il y a 5 ans », note Alexandre.
Jean-Luc supervise de loin les travaux : « Faites attention à bien les coller, pour que la paille ne se mette pas dans les jointures... Je n’ai pas envie de recommencer ça tous les ans ! »

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