vendredi 23 mars 2007

Peut-on tout dire sur son blog?

Catherine Sanderson, secrétaire bilingue dans un cabinet d’expertise comptable parisien pendant 4 ans, assigne son employeur aux prud’hommes pour licenciement abusif.

« C’est assez stressant tout ça ! », reconnaît Catherine Sanderson dans les couloirs du Tribunal des Prud’hommes de Paris (10ème). Plus connue sous son pseudonyme, « Petite anglaise », cette bloggeuse originaire du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, n’aurait jamais imaginé que son passe-temps la conduirait ici.
En avril 2006, elle a été licenciée sans avertissement de son poste de secrétaire pour « cause réelle et sérieuse », à savoir la perte de confiance. Son employeur, le cabinet d’expertise Dixon Wilson, lui reproche d’avoir dénigré ses supérieurs et d’avoir nui à l’image de son entreprise sur son blog (www.petiteanglaise.com). Lors de l’audience, Maître Muriel Humbert, représentant le cabinet, précise que l’employée a également reconnu avoir alimenté ce blog sur son lieu de travail.
Pourtant, à aucun moment Catherine Sanderson ne nomme ni son patron ni son entreprise. « Ce sont des blagues qu’ils ont prises au sérieux », affirme la jeune femme qui n’a pas l’air de comprendre ce qui lui arrive. Quand elle a appris son licenciement, elle s’est dit « sonnée » : « Je ne m’attendais pas à ce que tout ça prenne une telle ampleur...»
Parmi les passages incriminés, la défense cite un extrait dans lequel « Petite anglaise » qualifie son patron de « twunt », un mot anglais inventé. Dans le dossier d’accusation, il a été traduit par « enculé » - « une des insultes les plus fortes que je connaisse en Français », s’étonne Catherine Sanderson sur son blog. Lors de sa plaidoirie, son avocat, Maître Bruno Courtine, corrige cette traduction par un terme moins connoté : « enfoiré ».
« Mon intention n’était pas de nuire à qui que ce soit », affirme la jeune femme de 34 ans, qui vient de signer un contrat pour deux livres chez Penguin, la célèbre maison d’édition britannique. Le premier est d’ailleurs directement inspiré d’une histoire d’amour relatée sur son blog. Il sortira en janvier 2008 au Royaume-Uni sous le titre « Petite anglaise »... mais il n’y sera pas fait mention de son licenciement. « A l’avenir, je me poserai plus de questions. J’ai été un peu naïve, sans doute », reconnaît-elle.
Son avocat, spécialiste du droit du travail, réclame 92 000 € de dommages et intérêts, soit l’équivalent de deux ans de salaire. Il espère que cette affaire fera jurisprudence : « Il y a de plus en plus de cas de ce genre. C’est un sujet original et contemporain. » Il ajoute, confiant : « Aujourd’hui, la tendance est à la reconnaissance de l’espace de liberté et de vie privée du salarié, à condition que cela n’entrave en rien son activité. »
Le blog de Catherine Sanderson décrit le quotidien de « Petite anglaise » à Paris, par des commentaires volontiers impertinents, « mais en rien insultants », précise Me Courtine. Il reçoit aujourd’hui 4 000 visites par jour et jusqu’à 30 000 internautes se sont connectés sur le site. La décision du tribunal sera rendue le 29 mars.

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